PR FACE Depuis quelque temps, la sociologie est la mode. Le mot, peu connu et presque d cri il y a une dizaine d'ann es, est aujourd'hui d'un usage courant. Les vocations se multiplient et il y a dans le public comme un pr jug favorable la nouvelle science. On en attend beaucoup. Il faut pourtant bien avouer que les r sultats obtenus ne sont pas tout fait en rapport avec le nombre des travaux publi s ni avec l'int r t qu'on met les suivre. Les progr s d'une science se reconnaissent ce signe que les questions dont elle traite ne restent pas stationnaires. On dit qu'elle avance quand des lois sont d couvertes qui, jusque-l , taient ignor es, ou, tout au moins, quand des faits nouveaux, sans imposer encore une solution qui puisse tre regard e comme d finitive, viennent modifier la mani re dont se posaient les probl mes. Or, il y a malheureusement une bonne raison pour que la sociologie ne nous donne pas ce spectacle; c'est que, le plus souvent, elle ne se pose pas de probl mes d termin s. Elle n'a pas encore d pass l' re des constructions et des synth ses philosophiques. Au lieu de se donner pour t che de porter la lumi re sur une portion restreinte du champ social, elle recherche de pr f rence les brillantes g n ralit s o toutes les questions sont pass es en revue, sans qu'aucune soit express ment trait e. Cette m thode permet bien de tromper un peu la curiosit du public en lui donnant, comme on dit, des clart s sur toutes sortes de sujets; elle ne saurait aboutir rien d'objectif. Ce n'est pas avec des examens sommaires et coup d'intuitions rapides qu'on peut arriver d couvrir les lois d'une r alit aussi complexe. Surtout, des g n ralisations, la fois aussi vastes et aussi h tives, ne sont susceptibles d'aucune sorte de preuve. David mile Durkheim (15 avril 1858, pinal - 15 novembre 1917, Paris) est l'un des fondateurs de la sociologie moderne. En effet, si celle-ci doit son nom Emmanuel-Joseph Siey s et a t popularis e par Auguste Comte partir de 1848, c'est gr ce Durkheim et l' cole qu'il formera autour de la revue L'Ann e sociologique (1898) que la sociologie fran aise a connu une forte impulsion la fin du XIXe si cle et au d but du XXe. Form l' cole du positivisme, Durkheim d finit le fait social comme une entit sui generis, c'est- -dire en tant que totalit non r ductible la somme de ses parties. Cette d finition lui permet de dissocier l'individuel du collectif et le social du psychologique, et de fonder logiquement les conditions de possibilit d'une action contraignante de la soci t sur les individus. Ext riorit , tendue et contrainte caract risent le fait social: cette th se fit de lui le v ritable fondateur de la sociologie en tant que discipline autonome et scientifique. Durkheim est l'origine de plusieurs termes qui sont aujourd'hui tr s connus, comme anomie et conscience collective. L'apport de Durkheim la sociologie est fondamental puisque sa m thode, ses principes et ses tudes exemplaires, comme celle sur le suicide ou la religion, constituent toujours les bases de la sociologie moderne. Toutefois, l'apport de son oeuvre va bien au-del de cette discipline et touche presque toutes les disciplines dans les sciences humaines, dont l'anthropologie, la philosophie, l' conomie, la linguistique, et l'histoire.