by Ballin, Ber
, Renard, Jules
Paperback - French - 9781542320559
Auteur: Pierre-Jules Renard, dit Jules Renard, n Ch lons-du-Maine (Mayenne) le 22 f vrier 1864 et mort le 22 mai 1910 ( 46 ans) Paris, est un crivain et auteur dramatique fran ais. Extrait du livre: Les poules - Je parie, dit Mme Lepic, qu'Honorine a encore oubli de fermer les poules. C'est vrai. On peut s'en assurer par la fen tre. L -bas, tout au fond de la grande cour, le petit toit aux poules d coupe, dans la nuit, le carr noir de sa porte ouverte. - F lix, si tu allais les fermer ? dit Mme Lepic l'a n de ses trois enfants. - Je ne suis pas ici pour m'occuper des poules, dit F lix, gar on p le, indolent et poltron. - Et toi, Ernestine ? - Oh moi, maman, j'aurais trop peur Grand fr re F lix et soeur Ernestine l vent peine la t te pour r pondre. Ils lisent, tr s int ress s, les coudes sur la table, presque front contre front. - Dieu, que je suis b te dit Mme Lepic. Je n'y pensais plus. Poil de Carotte, va fermer les poules Elle donne ce petit nom d'amour son dernier-n , parce qu'il a les cheveux roux et la peau tach e. Poil de Carotte, qui joue rien sous la table, se dresse et dit avec timidit - Mais, maman, j'ai peur aussi, moi. - Comment ? r pond Mme Lepic, un grand gars comme toi c'est pour rire. D p chez-vous, s'il te pla t - On le conna t; il est hardi comme un bouc, dit sa soeur Ernestine. - Il ne craint rien ni personne, dit F lix, son grand fr re. Ces compliments enorgueillissent Poil de Carotte, et, honteux d'en tre indigne, il lutte d j contre sa couardise. Pour l'encourager d finitivement, sa m re lui promet une gifle. - Au moins, clairez-moi, dit-il. Mme Lepic hausse les paules, F lix sourit avec m pris. Seule pitoyable, Ernestine prend une bougie et accompagne petit fr re jusqu'au bout du corridor. - Je t'attendrai l , dit-elle. Mais elle s'enfuit tout de suite, terrifi e, parce qu'un fort coup de vent fait vaciller la lumi re et l' teint. Poil de Carotte, les fesses coll es, les talons plant s, se met trembler dans les t n bres. Elles sont si paisses qu'il se croit aveugle. Parfois une rafale l'enveloppe, comme un drap glac , pour l'emporter. Des renards, des loups m me ne lui soufflent-ils pas dans ses doigts, sur sa joue ? Le mieux est de se pr cipiter, au juger, vers les poules, la t te en avant, afin de trouver l'ombre. T tonnant, il saisit le crochet de la porte. Au bruit de ses pas, les poules effar es s'agitent en gloussant sur leur perchoir. Poil de Carotte leur crie: - Taisez-vous donc, c'est moi ferme la porte et se sauve, les jambes, les bras comme ail s. Quand il rentre, haletant, fier de lui, dans la chaleur et la lumi re, il lui semble qu'il change des loques pesantes de boue et de pluie contre un v tement neuf et l ger. Il sourit, se tient droit, dans son orgueil, attend les f licitations, et maintenant hors de danger, cherche sur le visage de ses parents la trace des inqui tudes qu'ils ont eues. Mais grand fr re F lix et soeur Ernestine continuent tranquillement leur lecture, et Mme Lepic lui dit, de sa voix naturelle: - Poil de Carotte, tu iras les fermer tous les soirs.